Psychologie clinique 17ème cours 30.03.00

Carl Rogers (1902-1987) [suite]

Pour Rogers, les expériences subjectives du patient sont ceux qui comptent. Cette réalité interne détermine le comportement d’une personne, et non pas la réalité externe et objective.

L’expérience interne est tout ce qui se passe à l’intérieur de la personne à un moment donné. Toute cette expérience consciente et inconsciente constitue le champ phénoménal d’une personne.

Champ phénoménal (phénoménologique)

La personne est capable d’actualiser le " hic & nunc ", le " ici et maintenant ". Cette autoactualisation qui nous pousse à nous actualiser, (cela rejoint la notion d’Adler donc qui va du moins vers le plus, du bas vers le haut).

Rogers a postulé que l’être humain est fondamentalement " bon ". Rogers est très optimiste [Jaffé n’est pas toujours d’accord avec les principes de Rogers !]. Il voit chez ses patients les besoins de tendre biologiquement vers le plus.

[Jaffé exprime personnellement qu’il passe par une crise intellectuelle : il a fait ses études autour des notions de pathologie, de déficience, basée dans le négatif. Il se considérait un peu comme un psychologue chevalier qui vient remédier et rééquilibrer les personnes. Dans ses lectures scientifiques, il voit poindre exponentiellement le positif, la mouvance, le paquet de bon sens !]

Rogers se situe dans cette mouvance, de même que Jung.

Le jugement de valeur

C’est un autre concept-clé de Rogers. Nous vivons, nous baignons dans les jugements de valeur, avec des opinions sur soi-même, sur les autres, sur ce que les autres pensent de nous. On est en train d’apprécier, de formuler des jugements de valeur. Donc on est confronté aux appréciations des autres sur nous. On est dans un champ purement psychologique.

La notion de Self

Rogers redéfinit la notion de Self, qui on pense être. Le Self est un produit identitaire psychologique pure, mais socialement acquis. On a besoin d’estime et d’attention positive. Quand on sait que quelque chose de négatif peut attirer de l’attention positive : bruits plus forts, paroles. Ce besoin de d’attirer l’attention par la désapprobation.

C’est une niche sociale où l’on est dans notre groupe social et où l’on peut dire et penser : " j’ai une certaine estime de soi ". On est dans le narcissique. Les gens souffrent d’incongruence (inadaptation des parties d'une articulation disloquée, des extrémités d'un os fracturé ), (incongru : qui n’est pas convenable, déplacé), de  discrépance " (en philosophie, divergence, discordance) entre le rêve et la réalité au sujet de leur image.

Ce sont souvent des histoires de perceptions, cognitifs. Ce dysfonctionnement, Rogers emploie le terme " organisme de l’expérience " : quand on ne trouve pas sa base narcissique personnelle. Il y a une trop grande distance entre ce qui se vit et la réalité : angoisse, détresse, isolement. On projette sur les autres.

Que fait quand on observe une différence entre le self et la personne ?

C’est corrigeable en fournissant de l’attention inconditionnelle positive, qui n’a pas été le lot du patient. Le thérapeute qui apporte de l’attention inconditionnelle positive va être la branche d’appui du patient. Le but est de se réévaluer dans ses jugements de valeurs et de s’autoaccepter.

Rogers est formé comme analyste. Il dit qu’une approche psychanalytique ne peut pas marcher. Il propose une thérapie centrée sur la personne en 9 points :

  1. Certaines caractéristiques chez les thérapeutes constituent les conditions nécessaires et suffisantes pour être effectives thérapeutiquement.
  2. Les thérapeutes sont immédiatement présent et accessibles aux clients, se basant sur les expériences de seconde en seconde dans la relation. On est nécessairement là.
  3.  

  4. La concentration intense et continuelle sur le monde phénoménologique du client. Se focaliser sur l’expérience phénoménologique du client, et pas sur l’instinct sexuel du client. Uniquement sur ce que le patient dit.
  5. Le processus thérapeutique est marqué par un changement dans la manière du client et sa capacité de vivre plus pleinement chaque moment dans le hic & nunc. Le processus est plus important que la structure.
  6. La thérapie de Rogers est basée sur un intérêt pour le processus du changement de la personnalité d’une personne, plutôt que pour la structure de la personnalité (moi, ca, Surmoi, etc.).
  7. La thérapie met l’accent sur le besoin de faire de la recherche pour en apprendre plus sur la psychothérapie. (Celle-ci ne se faisait pas trop en ce temps-là).
  8. La thérapie est basée sur l’hypothèse que les mêmes principes de psychothérapie s’appliquent à toutes les personnes, qu’elles soit catégorisées comme psychotiques, névrotiques ou normales.
  9. La thérapie est basée sur l’idée que la psychothérapie et la relation thérapeute-client et en fait un exemple spécialisé, un cas particulier des relation humaines primaires, positives et constructives en général.
  10. La théorie cherche à construire des formulations critiques à partir de l’expérience et ne cherche pas à déformer l’expérience pour qu’elle cadre avec la thérapie.

Conditions pour s’actualiser :

Rogers critique les psychanalystes qui utilisaient 4 techniques :

Le fil conducteur est directif. Or que Rogers est anti-directif ! Il n’a pas d’autorité sur les autres personnes. Il ne donne pas de diagnostique au pif ! Il cherche à se mettre au service du patient pour qu’il évolue, ceci est valable si on donne des conditions au patient :

  1. Le client et le thérapeute doivent être en contact psychologique, c’est-à-dire chacun doit avoir un impact phénoménologique sur l’autre.
  2. Le client doit être dans un état d’incongruence et ressentir de l’angoisse. C’est ce qui le pousse à venir consulter. Il y a une fenêtre optimale de l’état du patient)
  3. Le thérapeute est congruent dans la relation. (qui a un rapport de congruence, qui s'adapte parfaitement. Il ne doit pas être à côté de la plaque !)
  4. Le thérapeute ressent de l’estime positive inconditionnelle envers son client. (Jaffé énumère ses incompatibilités ! Par exemple il déteste les violeurs sadiques, et ne voudra traiter que des pervers qui ne savent pas pourquoi ils font de tels actes)
  5. Le thérapeute ressent une compréhension empathique de ce que le client vit. (être empathique c’est saisir et comprendre ce que le patient vit, au point qu’il sait que vous le comprenez. Même sans gestes et sans mimiques. C’est un concept de tam-tam en résonance affective et intellectuelle avec le patient.)
  6. Le client perçoit que le thérapeute à de l’estime positive inconditionnelle envers lui et que le thérapeute comprend empathiquement ses difficultés.

De tous les concepts de Rogers, 3 sont essentiels. (Se rappeler que Rogers est humaniste) :

  1. L’intervenant clinique doit être authentique. (Jaffé raconte un client ennuyeux. Il multipliait les actes manqués comme manquer un rendez-vous, croiser ensuite le client dans la rue en ne se souvenant pas du rendez-vous et donc en ne s’excusant pas ! Il l’avait évacué de ses pensées. Il avait également des manifestations de dégoût face à un prisonnier abject, et cherchait même à se laver physiquement les mains quand le prisonnier lui serrait la main.
  2. Quand on se livre à une expertise psychiatrique, c’est forcément avec une personne qui nous dégoûte ! On doit quand même et justement créer une relation empathique sinon cette personne ne se livrera pas !)